Traitement homoeopathique des maladies des organes de la respiration (1874)
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ARTICLE V : CROUP

(Laryngo-trachéite maligne. - Angine laryngée exsudative, pseudo-membraneuse. -Pharyngo-laryngite pseudo-membraneuse. - Laryngo-trachéite exsudative. - Angine trachéale diphthéritique. - Diphthérite trachéale.)

 

Inflammation spécifique de la membrane muqueuse qui tapisse la cavité du larynx, ou mieux maladie spéciale, générale, avec localisation sur le larynx, se distinguant de toutes les autres maladies de la muqueuse respiratoire par une marche très rapide, une tendance remarquable à la formation de fausses membranes, ou par l'apparition même de ces nouvelles productions :  Phlegmasie spécifique, aussi différente d'une phlogose catarrhale que la pustule maligne l'est du zona. - Affection morbide sui generis, qui n'est pas plus le dernier degré du catarrhe que la dartre squameuse n'est le dernier degré de l'érysipèle . »

 

Le croup débute souvent d'une manière subite ; il atteint principalement les enfants de deux à sept ans. L'enfant peut se coucher gai et bien portant, dormir les premières heures de la nuit et se réveiller subitement avec une toux croupale. A partir de ce moment les symptômes peuvent se développer avec une telle rapidité que l'on a vu vingt heures s'écouler à peine entre le début et la mort.

 

Cette invasion terrible est le désespoir des mères ; je dirai plus tard par quel moyen il est utile de la combattre, mais il n'en est pas toujours ainsi ; une période prodromique peut exister, pendant laquelle les enfants sont pris de frissons, de chaleur vague, de fièvre, de douleurs de tête, de fatigue dans les membres. A cet ensemble de symptômes viennent se surajouter les éléments de la fièvre catarrhale, un écoulement par les narines, la rougeur et la tuméfaction des yeux, du larmoiement ; une irritation vers la muqueuse pharyngienne. Le malade tousse par quintes avec un peu de dyspnée et de l'accélération dans les mouvements respiratoires.

 

C'est un bonheur de saisir au passage ces prodromes, parce que nous avons contre eux des ressources puissantes qui nous permettent d'affirmer qu'en les combattant dès leur apparition, la maladie n'ira pas plus loin. J'y reviendrai à propos de l'Aconit.

 

Le début du croup se compte uniquement à partir du moment où les premières altérations du larynx se trahissent par les modifications de la voix et de la toux. La voix devient rauque, voilée, non pas seulement enrouée, mais éteinte. L'aphonie est dans le croup la plus fréquente des modifications pathologiques du timbre de la voix, la respiration devient bruyante au point d'être entendue dans tout l'appartement, et en même temps arrive la toux aboyante, aphone, sèche, qui, brève au commencement, se termine par une expiration unique et s'exaspère bientôt en véritables paroxysmes.

 

Paroxysmes effrayants ! l'enfant ne peut garder un seul instant la même position, se frappe le visage, se livre à des mouvements désordonnés qui attestent sa souffrance. La face est gonflée, rouge, animée ou livide, couverte de sueur ; les jugulaires sont énormément distendues ; les battements du coeur, forts et précipités ; le pouls dur, petit, concentré ; angoisse excessive, respiration extrêmement gênée. Les malades portent avec violence leurs mains vers la région du cou, comme pour écarter l'obstacle qui les suffoque.

 

Les paroxysmes croupaux se distinguent de ceux de la coqueluche en ce qu'ils ont un son étouffé, aphone et n'amènent ni expectoration ni vomissements. En outre, les enfants atteints de la coqueluche retrouvent tout de suite la voix après les quintes, tandis que ceux qui ont le croup restent aphones après comme avant .

 

Après le paroxysme, le malade s'endort et retrouve du calme pour quelques instants.

 

Le croup est caractérisé anatomiquement par un exsudat fourni par la muqueuse enflammée. Cet exsudat est ou mucus purulent, ou fibrineux, ou diphthéritique. Le premier ne se constate qu'après la mort ; le second trouvera plus sûrement sa place dans l'histoire de la diphtérie. Je n'ai donc à m'occuper que de l'exsudat fibrineux.

 

Les fausses membranes qui sont le produit varient beaucoup dans leur étendue et dans leur consistance. Très minces, quelquefois analogues à des toiles d'araignée, elles constituent à peine quelques lambeaux attachés à un ou plusieurs points du larynx. D'autres fois et le plus souvent, elles ont une certaine épaisseur, couvertes à la surface d'un enduit crémeux et tapissent tout le larynx, la trachée et les bronches d'une manière si complète qu'elles représentent un système cohérent de tubes arborescents.

 

J'ai vu de ces tubes complets rejetés sous l'influence de médicaments homoeopathiques et les malades guérir. Pourquoi ? Parce que le rejet de ces membranes était la conséquence de la modification imprimée à la surface de la muqueuse du larynx. Les malades ne guérissaient pas, parce que les membranes étaient crachées, ils crachaient les fausses membranes, parce qu'ils étaient guéris. Tandis que les vomitifs qui s'adressent non au génie de la maladie, mais au produit de l'exsudation, peuvent bien amener des lambeaux membraneux, mais ne guérissent jamais. L'expulsion forcée des fausses membranes, tandis que la maladie générale subsiste toujours triomphalement, n'est suivie d'aucun soulagement ou d'un soulagement passager, et la maladie ne s'en termine pas moins par la mort.

 

Les médecins qui s'appliquent à amoindrir l'homoeopathie ne manqueront pas de dire et de répéter, sans se lasser jamais, que le chiffre relativement très-élevé des guérisons homoeopathiques du croup, repose sur des erreurs de diagnostic. Hélas ! je ne nierai pas que des médecins homœopathes ont pu se tromper, quoique je ne leur suppose pas plus d'ignorance qu'aux autres. Nul n'a le privilège de ne pouvoir se tromper et l'erreur est de toutes les Écoles.

 

Exemple :

 

« Si quelques mères affirment que leur enfant a eu trois ou six fois le croup, cela dépend toujours d'une erreur volontaire ou involontaire du médecin qui a traité l'enfant. Je vois les enfants d'une famille dont l'aîné doit avoir eu six fois le croup pendant les premières années de sa vie. Le médecin que la famille avait à cette époque avait traité trois accès par des saignées, les trois autres par des sangsues dont les cicatrices se voient encore en grand nombre au cou, et dans les six cas on avait donné à l'enfant plusieurs vomitifs. Le résultat de ce traitement offensif et souvent répété a été un retard considérable dans la croissance de l'enfant qui, en outre, est toujours maladif et reste également en retard pour son développement intellectuel . »

 

En supposant deux erreurs égales commises par un praticien de l'une et l'autre École, l'avantage est encore à nous ; nous n'avons pas à nous reprocher le traitement offensif et il est bien entendu que je supprime l'erreur volontaire, je ne la crois pas possible entre honnêtes gens.

 

Au moment de rompre avec l’École officielle, dans certaines parties de son enseignement, c'était en 1838, je me préoccupai beaucoup de la curabilité du croup par les moyens homoeopathiques, et je m'effrayai de la responsabilité que j'assumerais sur ma tête en changeant de méthode dans une maladie aussi grave et aussi rapide dans sa marche ; à Marseille, d'ailleurs, les croups sont assez rares et je pouvais attendre longtemps des faits assez concluants et assez nombreux pour fixer mon opinion à ce sujet. Le croup régnait alors épidémiquement en Suisse et j'y allai aussitôt. Peschier et Chuit à Genève, Longchamp à Fribourg, eurent bientôt complété mon instruction, et par les récits de leur pratique journalière, comme par des faits dont ils me rendirent témoin, ils eurent bientôt dissipé toutes mes appréhensions.

 

Longchamp surtout, cet ami excellent dont je serai toujours heureux de me souvenir pour l'offrir en modèle aux médecins, coupa court, d'une manière décisive, à mes scrupules, en me tirant, du fond de sa bibliothèque, une douzaine de flacons pleins d'alcool et contenant chacun des fausses membranes, quelques-unes de telle dimension que l'on ne pouvait douter qu'elles ne se fussent détachées des bronches inférieures. Tous les malades avaient expulsé ces fausses membranes sous l'action de Hepar. sulph. et je me souviens encore avec quelle émotion j'implorai de mon cher confrère un flacon de ce même Hepar. qui lui avait servi à obtenir ces remarquables guérisons.

 

Aucune illusion n'était à craindre devant des témoignages aussi frappants, et j'aime à croire que personne, après les avoir eus sous les yeux et dans la main, ne serait tenté d'amoindrir l'homoeopathie ou de traiter d'illusions nos croyances les plus autorisées.

 

Ce flacon d'Hepar. de Longchamp, ne m'a plus quitté et j'ai eu la satisfaction de m'en servir avec des résultats tout aussi satisfaisants.

 

Donc, plus de doute, c'est le vrai croup que l'homoeopathie guérit. Notre École est au-dessus du reproche vulgaire d'avoir confondu le croup avec le faux croup, l'angine pultacée. J'éprouve une certaine répugnance et une vive douleur à sentir le besoin de répéter de telles affirmations, mais, où que soit la méfiance contre nous, notre honneur est de la confondre.


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