Traitement homoeopathique des maladies des organes de la respiration (1874)
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ARTICLE III : GRIPPE.

(Rhume épidémique. Catarrhe épidémique. Bronchite épidémique. Influenza. Fièvre catarrhale épidémique.)

 

Maladie générale, essentiellement épidémique, caractérisée par un affaiblissement général remarquable, une céphalalgie gravative, des douleurs contusives dans les membres, des lassitudes spontanées, un mouvement fébrile et les symptômes d'une inflammation plus ou moins vive de la muqueuse des fosses nasales, des bronches et parfois du tube digestif.

 

Elle dépend d'une constitution médicale particulière, c'est-à-dire d'un état météorologique produisant pendant sa durée certaines maladies identiques en assez grand nombre pour constituer une épidémie.

 

Que cet état réside dans l'air ou dans le sol ; qu'il tire son origine des influences sidérales qu'on rejette si loin, précisément parce qu'on les ignore davantage, c'est ce qu'il est impossible de déterminer. Toujours est-il que les conditions atmosphériques sont tout à fait impuissantes à rendre raison de son existence. On a invoqué tour à tour, mais à tort, le froid et le chaud, le sec et l'humide. Si l'on rapproche les unes des autres les différentes épidémies de grippe, on voit, en effet, que les unes ont régné en hiver, les autres en été, en automne ou au printemps ; celles-ci ont pris naissance pendant un froid très-rigoureux ; celles-là pendant une température douce et égale ; d'autres enfin, pendant une grande chaleur.

 

Le génie épidémique peut, comme dans toutes les maladies du même genre, la coqueluche, par exemple primer des modifications importantes aux symptômes, à la marche de la maladie et au traitement qu'elle réclame.

 

Dès le début, ce n'est pas seulement du malaise, de l'accablement et de la courbature, c'est un affaiblissement excessif, persistant pendant plus ou moins longtemps qui est un des traits les plus constants et les plus caractéristiques de la grippe. Cet affaiblissement est hors de toute proportion avec les autres symptômes de la maladie ; on a vu des malades qui n'avaient pas encore perdu l'apparence de la santé ne pouvoir se soutenir sur leurs pieds, les bras comme paralysés et les mouvements des mains impossibles ou mal assurés.

 

Douleurs contusives dans les membres, dans la région cervicale, dans le dos, les épaules, dans le côté de la poitrine, dans les lombes, dans la région du foie. Ces douleurs sont indépendantes de toute lésion matérielle à laquelle il soit possible de les rattacher ; elles augmentent par la pression, par le mouvement ; quelquefois elles sont erratiques comme les douleurs rhumatismales. Céphalalgie violente, atroce, générale ou limitée au front avec vertiges. Les douleurs de tête sont souvent continues avec une égale intensité ; d'autres fois elles se calment pendant le jour et redoublent pendant la nuit ; épistaxis fréquentes et abondantes.

 

Dans certaines épidémies on a observé également des hémoptysies et des métrorrhagies. Coryza intense avec écoulement séreux, abondant, perte de l'odorat, du goût ; yeux rouges, larmoyants, tuméfiés et supportant difficilement l'impression de la lumière ; mal de gorge, inflammation superficielle de la muqueuse qui tapisse l'arrière-gorge en général et la luette en particulier, accompagnée d'un sentiment de constriction  de la gorge ; les parotides peuvent être gonflées et douloureuses. Voix rauque où aphonie, sans autre raison qu'une lésion de l'innervation. Chatouillements à la partie supérieure du larynx, ardeur et chaleur derrière le sternum. Toux plus ou moins fréquente, quinteuse, toujours pénible, d'abord sèche et suivie plus tard de crachats muqueux plus ou moins abondants. Dyspnée, oppression, symptômes qui ne sont nullement en rapport avec les résultats fournis par l'exploration physique. Quand la toux est sèche, avec ou sans dyspnée, on n'entend jamais de râles humides ; quand la toux est accompagnée d'une expectoration muqueuse ou séreuse, plus ou moins abondante, on entend les râles ordinaires de la bronchite ; ces râles disparaissent momentanément, lorsque les bronches ont été vidées par la toux.

 

— Les troubles digestifs consistent en une soif plus ou moins vive, inappétence ; la bouche est amère, la langue est humide, blanche ou jaune, quelquefois collante et rouge à la pointe. Vomissements. Diarrhée ou constipation. La constipation coïncide constamment avec une céphalalgie intense et opiniâtre. La diarrhée ordinaire muqueuse, séreuse ou bilieuse, peut aussi revêtir une forme dysentérique.

 

La grippe procède toujours d'une manière continue et rapide, mais sa convalescence peut être longue, même chez les sujets sains. Quand la poitrine est menacée, la grippe est ordinairement l'occasion de l'évolution de la maladie.

 

La pneumonie, qui est une complication si fréquente de la grippe, a une physionomie spéciale, la douleur de côté est peu intense, les râles sont moins crépitants que sous-crépitants, à bulles généralement humides, mélangées de râles sonores, muqueux ou sibilants. Ces bruits anormaux se généralisent plus facilement, mais leur stabilité est moins persistante.

 

Soit que les centres nerveux éprouvent des troubles bien accusés, ou que le système nerveux soit ébranlé seulement à la périphérie, la grippe peut devenir grave par le seul fait de la prédominance de l'état nerveux. Dans cette forme nerveuse, indépendamment des expressions symptomatiques de l'élément catarrhal, on constate un abattement extrême, une prostration complète des forces ; le facies est gonflé, il y a du vague dans les idées, une surexcitation extraordinaire par moment, le malade accuse des angoisses et des souffrances intérieures qui ne s'expliquent pas par les lésions apparentes ; l'insomnie est d'une opiniâtreté désespérante (Moschus).

 

La toux est convulsive jusqu'à rappeler la coqueluche avec vomissements (Bell. Hyosc.). L'oppression peut arriver jusqu'au véritable étouffement, sans qu'il y ait dans les organes de la respiration des altérations suffisantes pour rendre compte de cette oppression. (Ars.)

 

L'inflammation occupe la base d'un poumon, très-rarement des deux côtés. Les sommets ne sont pas toujours épargnés. Les crachats sont à peine aérés et visqueux, ils diffèrent peu de ceux de la bronchite simple. Dyspnée intense sans rapport avec la phlegmasie, souvent accidents d'asphyxie, pouls moyen, mou, sans résistance.

 

La fièvre de la grippe est variable, non-seulement d'épidémie à épidémie, ou, de malade à malade pendant la même épidémie, mais encore sur le même malade, le pouls est quelquefois plein et dur, d'autres fois mou et déprimé, d'une. fréquence peu accélérée ou très-vive, à 100 par minute. Tout en étant accélérés, les battements du pouls conservent en général un caractère de mollesse ; l'artère se laisse facilement déprimer par le doigt qui appuie sur elle, et ce caractère du pouls, qui ne manque jamais dans la grippe, aurait toujours dû suffire pour révéler aux praticiens la nature non inflammatoire de la grippe, et pour sauver les malades du danger certain des évacuations sanguines.


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