Traitement homoeopathique des maladies des organes de la respiration (1874)
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Stations hivernales.

 

La première condition d'une résidence d'hiver, c'est d'être placée sous une latitude qui lui assure une moyenne de température suffisamment élevée et que le ciel y conserve une sérénité assez habituelle pour permettre aux malades de faire tous les jours, en plein air, un exercice régulier. Nos stations hivernales du midi de la France satisfont à tous les besoins. Elles offrent des avantages que tout le monde connaît et que l'expérience a consacrés ; je m'appliquerai seulement à donner de chacune d'elles le caractère distinctif.

 

Nice convient essentiellement aux sujets lymphatiques ou scrofuleux, à fibre molle, sans éréthisme, ni musculaire, ni nerveux. Ses inconvénients sont une trop grande mobilité dans les couches d'air, par suite des courants du Paillon, torrent presque toujours à sec. La température y est assez uniforme dans la journée, de dix heures du matin jusqu'au moment du coucher du soleil ; mais, le matin et le soir, la température est variable avec les oscillations trop brusques qui sont non-seulement désagréables, mais pernicieuses à ceux qui ne 'savent pas s'en garantir.

 

D'ailleurs, ce n'est pas dans la ville même de Nice que je conseillerai aux malades sérieux d'élire leur domicile, c'est à la campagne que je les engagerai à fixer leur séjour, à Cimiès surtout, ou encore à Carabacel, à mi-côte. La vieille ville est aujourd'hui impossible ; le quartier des Terrasses, qui faisait le bonheur de nos pères, moins raffinés et moins exigeants, n'est pas tenable, et la ville nouvelle, splendide par ses maisons d'un luxe apparent et d'un confort intérieur souvent irréprochable, laisse beaucoup à désirer, ici, par la nature du terrain sur lequel les maisons sont bâties, sans un drainage suffisant ; là, comme à la promenade des Anglais, par exemple, par son exposition aux oscillations brusques de température qu'occasionne trop souvent le changement de direction des vents. Le quai Masséna et le quai Saint-Jean-Baptiste sont d'heureuses exceptions.

 

Menton, exposé au sud-est, sur le bord de la mer, se recommande par une plus grande égalité de température, par un abri plus assuré contre les vents désagréables, par une bonne chaleur solaire, un air à la fois sec et vivifiant.

 

Monaco, ville de plaisir plutôt que ville de malades, est ouverte au nord-est et au nord-ouest : climat incomparablement moins doux et plus variable que Menton, sa voisine.

 

On bâtit beaucoup sur le plateau des Spelugues dans l'intention de créer là une station hivernale dont on ne manquera pas de vanter les privilèges ; mais la vérité est que la thérapeutique est le moindre souci des propriétaires qui édifient non pour les malades, mais pour la satisfaction de leurs intérêts. Ce n'est pas aux médecins à attirer les malades à Monaco.

 

Cannes, petite ville sur le bord de la mer, exposée au midi, est irréprochable au point de vue de la température et de l'agrément pour ceux qui redoutent le tumulte du monde. Le mistral et le vent du Nord y soufflent rarement : Je préfère beaucoup à Cannes le Cimiès de Nice parce que l'air marin y a moins de brutalité et qu'il n'arrive aux poumons des phtisiques qu'après avoir été tamisé à travers une végétation plus riche et plus abondante.

 

Entre Cannes et Nice, je trouve le Cannet, petite et modeste station privilégiée en ce sens que les vents du Nord n'y soufflent jamais.

 

Hyères, à 4 kilomètres de la mer, n'est pas à dédaigner. Sa température moyenne hivernale est de 8° 5, sans oscillations brusques. Dix-sept jours de pluie en moyenne par hiver. Air pur, sec et chaud tout à la fois.

 

Toulon et ses environs ont pris rang parmi les stations hivernales du Midi, depuis les travaux de mon ami, le docteur Turrel. Il appartenait à un enfant de Toulon, médecin justement apprécié, de combler, par l'étude de Toulon et de ses environs, une lacune regrettable dans la Climatologie du midi de la France, et il faut lui rendre cette justice qu'il a rempli sa tâche scientifiquement, sans idée préconçue, sans partialité. .

 

Je cite textuellement ; l'esprit de l'écrivain ajoute à la parole autorisée du médecin habile et expérimenté qui parle de son pays avec connaissance de cause :

 

« La ville proprement dite ne saurait convenir comme habitation pendant la mauvaise saison ; mais ses environs offrent des expositions privilégiées qui procurent aux malades des abris contre les vents régnants, une température convenable pour les poitrines les plus délicates ; en même temps que les ressources de toute nature qui sont le privilège des grandes villes. Comme climat marin, nulle exposition ne peut être comparée à celle du coteau de la Malgue, dont le versant méridional comprend tout le faubourg Mourrillon et l'admirable amphithéâtre qui s'étend jusqu'au fort Sainte-Marguerite...

 

«Abritée contre les vents de nord-ouest dont le souffle glacé produit sur la Provence de funestes abaissements de température, toute cette côte, dans les limites que nous lui avons assignées, jouit d'une chaleur exceptionnelle qui permet la culture en plein air et sans abris, non-seulement des orangers et des palmiers, mais encore d'une infinité d'arbres et d'arbustes exotiques, qui ne résisteraient pas au froid de la campagne des environs de Toulon         

 

« A l'ouest de la rade s'étend, au pied de la montagne de Sicié, qui l'abrite contre le fléau de la Provence, une magnifique vallée, descendant en pentes douces et boisées jusqu'au rivage, dont la courbe harmonieuse caresse les molles ondulations : C'est Balaguier, c'est le quartier de Tamaris....

 

«  Dans cette pittoresque Thébaïde, devant laquelle se déroule la grande rade, avec son animation nautique, la pleine mer, avec ses horizons qui font penser à l'infini, on peut jouir d'un isolement complet. Rien n'égale la sérénité de ce paysage, d'une nature agreste, dont les salutaires arômes, sollicités par un soleil d'hiver plus éclatant que le soleil d'été de l'Angleterre, parfument les brises auxquelles les sommités boisées qui l'encadrent ne permettent pas d'atteindre des proportions nuisibles aux santés délicates. Le seul vent à redouter est le vent d'Est qui arrive chargé d'humidité, mais atténué par une température élevée.

 

L'isolement, du reste, n'est que facultatif, et le voisinage de La Seyne et de Toulon, villes avec lesquelles la communication est facile par la voie de mer comme par terre, offre aux hivernants dans ces parages des ressources de toute nature.

 

« Nous ne laisserons pas Toulon sans insister sur les sites merveilleux que ses environs offrent aux promeneurs, soit sur le littoral, soit sur les monts et dans les vallées qui avoisinent sa banlieue, dans un rayon accessible aux piétons comme à tous les modes de locomotion. Les bords de la mer, dont nous avons esquissé les poétiques horizons, le disputent comme couleur, comme plans intermédiaires, comme transparence de l'air et des eaux, enfin comme végétation, aux plus beaux horizons maritimes connus.

 

« Naples et sa baie, Constantinople et la mer de Marmara n'ont ni plus de lumière, ni de plus heureuses perspectives que nos côtes, illustrées par le pinceau de Vincent Cordouan et d'Auguste Aiguier.

 

 « Le sentier qui suit les ondulations du rivage serpente sur les coteaux couronnés de pins bizarrement tordus à la recherche du soleil et courbés sous le souffle de la brise, ou se suspend au flanc des rochers schisteux au sein desquels le chêne-liège implante ses noueuses racines. De loin en loin, un joli ruisseau bruissant contre les blocs de quartz invite au repos sous de grandes futaies de chênes-verts ;

      

« Si, quittant le rivage, le promeneur se dirige vers les montagnes du côté de la vallée de Dardenne ou vers la forêt de Tourris ; enfin, si, plus aventureux, il s'élève sur le Faron qui se reboise ou vers le Coudon qui a conservé ses belles forêts de pins, il voit ces horizons grandir et de séduisants paysages se dérouler à ses regards surpris. Nous voudrions rendre le charme de ces promenades sur les hauteurs, dans lesquelles non-seulement le regard, mais l'esprit planent sur de vastes étendues ; dans ces bienfaisantes solitudes, la poitrine plus à l'aise et l'âme, se dégageant mieux des contraintes matérielles, se sent plus en possession d'elle-même et participe à cet apaisement du corps et à ce bien-être physique que l'on éprouve sur les hauts lieux. »

 

Je regrette que mon ami Turrel n'ait pas également mentionné d'autres localités qui lui sont encore mieux connues que je ne les connais moi-même, mais que nous apprécions ensemble ; ce sont certains points du territoire de La Valette, abritée au Nord par les montagnes de Coudon, de Faron et de Tourris, et de Saint-Nazaire, petite ville rapprochée de Toulon par le chemin de fer, qui offre tous les éléments d'une station hivernale, utile et agréable par des expositions et des sites aussi favorables que ceux qu'on va chercher à Hyères, à Cannes et à Nice..


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